Ma vie n’a-t-elle de sens que lorsqu’elle est orientée vers le bonheur d’être et le plaisir d’exister ? Si je m’interroge sur cette idée, je réalise à quel point tout, dans mon existence, semble converger vers cette quête du bonheur. Mais ce bonheur est-il quelque chose que je dois chercher activement ou est-ce un état que je dois simplement accueillir ? Dans quelle mesure ce bonheur dépend-il de la qualité des relations que j’entretiens, tant avec moi-même qu’avec les autres, ainsi qu’avec mon passé, mon présent et l’avenir que j’anticipe ? Ce sont ces questions qui me poussent aujourd’hui à réfléchir sur cette quête de sens.
Quand je parle de bonheur d’être, il s’agit d’un état de plénitude, de sérénité. C’est plus qu’une émotion passagère ou une simple satisfaction liée à des événements extérieurs. C’est un état intérieur, une paix avec moi-même. Ce bonheur, je le ressens quand je suis alignée, quand mes pensées, mes actions et mes émotions sont en harmonie. Il ne dépend pas de circonstances extérieures, mais de ma capacité à être présente à moi-même, à être en accord avec qui je suis.
Le plaisir d’exister, quant à lui, est une joie plus immédiate, souvent liée à des expériences sensorielles ou émotionnelles. Je le ressens dans les petits moments de la vie : savourer un bon repas, écouter de la musique, sentir la chaleur du soleil sur ma peau. Ce plaisir, je le vis pleinement lorsque je suis capable de me déconnecter des attentes extérieures et des soucis qui peuvent parfois m’envahir. Mais cette déconnexion n’est pas toujours facile à obtenir. Il m’arrive souvent d’être tellement accaparée par mes préoccupations quotidiennes, mes obligations, que j’en oublie de savourer ces instants de plaisir.
Je pense que cette quête du bonheur et du plaisir d’exister est universelle. Chacun et chacune de nous cherche à atteindre cet équilibre, cet état de bien-être. Mais les blessures du passé, les conditionnements que nous avons subis et les schémas de pensée que nous avons développés rendent cette quête parfois difficile. Boris Cyrulnik, que j’admire pour sa réflexion sur la résilience, parle de cette capacité à rebondir après les traumatismes, à reconstruire un sens là où la vie semblait dénuée de toute signification. Pour moi, le bonheur se construit aussi de cette manière : en me relevant après les épreuves, en trouvant un sens à mes souffrances passées.
Jacques Salomé, de son côté, met l’accent sur la communication bienveillante, non seulement avec les autres, mais aussi avec moi-même. Le bonheur, selon lui, passe par cette capacité à écouter mes propres besoins, à m’exprimer sans me juger. Il m’a appris à être à l’écoute de ce que je ressens et à accepter ces émotions, sans pour autant les laisser me submerger. En développant cette communication intérieure bienveillante, je me rapproche de ce bonheur d’être.
Marshall Rosenberg, avec sa Communication Non Violente (CNV), m’a ouvert les yeux sur un autre aspect crucial : la manière dont je me libère des jugements extérieurs et des conflits internes. La CNV m’a appris à accueillir mes propres émotions et besoins, mais aussi ceux des autres, sans tomber dans le piège du jugement. Elle m’a aidée à me libérer de l’emprise des attentes et des opinions d’autrui. En étant plus authentique, en étant en paix avec ce que je ressens et ce que je désire, je me sens plus libre.
Je réalise que mon bonheur dépend en grande partie de la manière dont je me situe par rapport à mon passé, mon présent et mon avenir. Le passé, qu’il s’agisse de souvenirs heureux ou de blessures, continue de m’accompagner. Certaines de ces blessures peuvent encore être douloureuses (Voir : Les blessures invisibles de l’enfant intérieur), mais j’ai appris à les regarder autrement. Boris Cyrulnik nous rappelle souvent l’importance de la résilience, de cette capacité à tirer du sens de nos traumatismes pour pouvoir avancer. J’ai compris que pour être heureuse aujourd’hui, je dois faire la paix avec ce qui a été. Je ne peux pas effacer les souffrances du passé, mais je peux choisir de ne pas les laisser me définir.
Le présent est tout aussi essentiel. C’est ici, maintenant, que se joue mon bonheur. Pourtant, il est si facile de se laisser entraîner par les regrets du passé ou par les inquiétudes concernant l’avenir. Trop souvent, je me surprends à vivre dans mes souvenirs ou à anticiper ce qui pourrait arriver, oubliant de profiter de ce qui est là, devant moi. Vivre pleinement l’instant présent est un défi, mais c’est aussi la clé pour ressentir ce plaisir d’exister dont je parlais plus tôt. Être ancrée dans l’instant m’aide à savourer les petites joies, à prendre conscience de la beauté des moments simples.
Quant à l’avenir, il m’arrive souvent d’y penser avec une certaine anxiété. J’ai des projets, des rêves, mais ils sont aussi accompagnés de doutes, de peurs. Là encore, je dois apprendre à me détacher de ces anticipations pour ne pas laisser l’incertitude de demain empoisonner mon bonheur d’aujourd’hui. Je dois me focaliser sur l’importance de se projeter dans l’avenir avec espoir, même après avoir vécu des expériences difficiles. C’est une leçon que j’essaie d’appliquer au quotidien : accepter que l’avenir soit incertain, tout en gardant confiance en ma capacité à m’adapter et à trouver du sens dans ce qui viendra.
Jacques Salomé, avec sa vision de la communication, m’a aidée à comprendre que ma relation avec le temps – passé, présent et futur – est influencée par la manière dont je communique avec moi-même. Si je suis trop dure avec moi-même, si je manque d’auto-compassion pour mes erreurs passées ou si je suis constamment en train de me projeter dans l’avenir sans apprécier le présent, je me prive de ce bonheur. En prenant soin de mes pensées et de mes émotions, en cultivant une communication intérieure bienveillante, je peux transformer ma relation au temps et, par là même, à mon bonheur.
En identifiant clairement ce dont j’ai besoin maintenant, je peux mieux gérer mes relations avec le passé et l’avenir. Je ne dois pas me laisser envahir par les regrets ou les peurs, mais plutôt accueillir ce que je ressens dans l’instant, sans jugement, sans pression. Cela me permet d’être plus en paix avec moi-même, et par conséquent, plus heureuse.
Si ma relation avec le temps est un facteur déterminant de mon bonheur, la qualité de mes relations avec les autres l’est tout autant. Les relations humaines sont au cœur de l’existence, et elles jouent un rôle crucial dans le bien-être. Lorsque je suis entourée de personnes bienveillantes, lorsque mes relations sont nourrissantes, je me sens profondément épanouie. Mais à l’inverse, lorsque ces relations sont sources de conflits, de malentendus ou de souffrances, mon bonheur est directement affecté.
L’attachement dans le développement du bonheur est d’une importance cruciale. Les relations que je tisse dès mon enfance, les liens que je crée tout au long de ma vie, la manière dont je me connecte aux autres, tout cela influence mon bien-être. Les blessures d’attachement, les relations brisées, peuvent avoir des répercussions profondes sur mon sentiment de sécurité intérieure et, par conséquent, sur ma capacité à être heureuse. Mais là encore, la résilience est essentielle. J’ai appris que je pouvais me reconstruire après des ruptures, après des déceptions, que je pouvais réapprendre à faire confiance et à aimer.
Pour être heureuse dans mes relations, il est essentiel que je sois capable de m’exprimer de manière authentique, d’oser dire ce que je ressens, ce dont j’ai besoin, sans crainte du rejet ou du jugement. Cela implique aussi d’être capable d’écouter l’autre avec bienveillance, de comprendre ses besoins et ses émotions. Lorsque cette communication est fluide et respectueuse, les relations deviennent une source de bonheur inestimables.
Les conflits dans les relations humaines naissent souvent d’une incompréhension mutuelle. Les malentendus, les jugements, les attentes non exprimées sont autant de pièges dans lesquels nous tombons facilement. En apprenant à exprimer clairement mes besoins et à écouter ceux des autres, j’ai pu désamorcer de nombreuses tensions dans mes relations.
Toutes les relations ne sont malheureusement pas positives. Certaines sont même toxiques, et il est essentiel de savoir s’en protéger pour préserver le bonheur. Les relations toxiques sont celles qui me tirent vers le bas, qui me font douter de moi. Elles peuvent prendre de nombreuses formes. Elles ne sont pas toujours évidentes à identifier, car elles se manifestent souvent sous des comportements subtils, insidieux. Il peut s’agir d’une personne qui, sous couvert de bienveillance, ne cesse de critiquer mes choix, de minimiser mes réussites. Cela peut aussi être une relation où je me sens manipulée, culpabilisée, sans même en prendre conscience. Ces relations-là, si je ne les gère pas, peuvent devenir de véritables poisons pour mon bonheur.
Au-delà de me protéger des influences toxiques, je crois profondément qu’il y a une autre composante essentielle au bonheur : savoir accueillir les cadeaux de la vie. Chaque jour, même au milieu des difficultés, la vie m’offre des opportunités, de petites joies, des instants de grâce. Pourtant, il est facile de passer à côté de ces cadeaux si je ne fais pas l’effort d’être attentive, si je ne prends pas le temps de les savourer.
Il s’agit de ces petits bonheurs du quotidien qui, même dans les moments les plus sombres, viennent illuminer mon existence. Ces moments peuvent sembler insignifiants : une lumière particulière en fin d’après-midi, le rire d’un enfant, une brise douce sur mon visage. Des instants fugaces, éphémères, qui n’ont de sens que si je prends la peine de les remarquer. Si je passe ma journée à courir, à être submergée par mes préoccupations ou à ressasser des pensées parasites, je risque de passer à côté de ces moments précieux.
La question que je me pose alors est la suivante : comment puis-je apprendre à mieux reconnaître et accueillir ces cadeaux de la vie ? Il me semble que la réponse réside dans une attitude d’ouverture et de gratitude ; la gratitude est une clé du bonheur. Être reconnaissante pour ce que j’ai, pour ce qui m’est offert, change radicalement la manière dont je perçois la vie. Au lieu de me concentrer sur ce qui me manque, sur ce qui ne va pas, la gratitude me pousse à voir ce qui est là, ce que j’ai déjà, et à en être satisfaite.
Cet état de gratitude n’est pas toujours naturel. Il m’arrive souvent d’être absorbée par mes frustrations, par mes insatisfactions. Mais lorsque je prends un moment pour me recentrer, pour me poser et simplement observer ce qui se passe autour de moi, quand je m’adonne à l’art de ralentir, je découvre que la vie me donne chaque jour des raisons d’être heureuse. Ces raisons ne sont peut-être pas spectaculaires, elles ne se présentent pas toujours sous la forme de grandes réussites ou de moments de gloire, mais elles sont là, dans les détails, dans la simplicité du quotidien.
En étant présente à ce que je ressens, en écoutant mes besoins sans jugement, je deviens plus attentive à ce qui m’entoure. Cela me permet de mieux savourer ces moments de grâce, ces instants où tout semble s’aligner, même si ce ne sont que de courts instants. Pour autant, je ne dois pas chercher à retenir ces moments, à m’attacher à eux de manière possessive, mais simplement à les vivre pleinement lorsqu’ils se présentent.
J’en viens à cette réflexion : un miracle, ce n’est pas nécessairement un événement extraordinaire qui bouleverse ma vie. C’est plutôt la capacité que j’ai à recevoir les instants de bonheur, à les reconnaître pour ce qu’ils sont, à les vivre pleinement sans chercher à les figer ou à les contrôler. Un miracle, c’est cet alignement subtil entre mes émotions, mes besoins et la réalité du moment présent.
La question de savoir comment un miracle arrive est donc intimement liée à cette capacité à être ouverte, à être prête à recevoir ce que la vie m’offre. Trop souvent, je suis tentée de me focaliser sur ce qui ne va pas, sur ce qui manque, sur ce que j’aimerais voir changer. Mais en faisant cela, je ferme la porte aux miracles du quotidien, je me prive de ces moments où la vie me donne précisément ce dont j’ai besoin, même si ce n’est pas toujours ce que j’avais imaginé ou espéré.
Même après des traumatismes, même après des moments de grande souffrance, il est possible de retrouver la capacité à accueillir le bonheur. Cette idée de résilience me parle profondément. Je sais que la vie n’est pas un long fleuve tranquille, que des épreuves peuvent surgir à tout moment. Mais je crois aussi que, même dans ces moments-là, il y a toujours des raisons de se réjouir, des petites choses qui peuvent illuminer mon quotidien si je suis prête à les voir.
Cette capacité à recevoir les miracles de la vie repose sur une communication bienveillante avec moi-même. Si je suis en paix avec ce que je ressens, si j’accepte mes émotions sans les juger, je suis plus à même de recevoir ce que m’offre la vie. C’est un processus d’ouverture, de réceptivité. Ce n’est pas une question de volonté ou de contrôle, mais plutôt de lâcher prise, d’accepter que la vie ne suive pas toujours le plan que j’avais prévu, mais qu’elle m’offre parfois des cadeaux inattendus, des miracles auxquels je ne m’attendais pas.
Ces miracles ne sont pas seulement extérieurs. Ils sont aussi intérieurs. En étant en paix avec mes besoins, en étant capable de les exprimer clairement et sans violence, je crée moi-même des miracles dans mes relations avec les autres. La CNV me permet de transformer des conflits potentiels en opportunités de compréhension, d’échange, de connexion. Ce sont ces moments où, au lieu de m’enfermer dans des schémas de défense ou d’attaque, je choisis de rester ouverte, à l’écoute de ce que je ressens et de ce que l’autre ressent. Ces moments sont, à leur manière, des miracles relationnels.
À la fin de cette réflexion, je peux affirmer que oui, ma vie n’a de sens que si elle est orientée vers le bonheur d’être et le plaisir d’exister. Ce bonheur, bien que fragile et parfois difficile à atteindre, est à ma portée si je sais où le chercher. Il réside dans ma capacité à entretenir des relations de qualité, à me protéger des influences toxiques, à faire la paix avec mon passé, à vivre pleinement dans le présent et à envisager l’avenir avec sérénité.
Ce bonheur, je le construis aussi à travers ma capacité à accueillir les cadeaux de la vie, à reconnaître les miracles qui se présentent à moi chaque jour, même sous des formes modestes. Ce n’est pas en cherchant à contrôler ou à maîtriser les événements que je trouverai le bonheur, mais en étant ouverte, réceptive, prête à accueillir ce que la vie m’offre.
En fin de compte, le bonheur est un choix, une pratique quotidienne. Chaque jour, je décide de ne pas me laisser envahir par les pensées négatives, de ne pas me rendre malheureuse en me focalisant sur ce qui me manque. Chaque jour, je choisis de cultiver la gratitude, de savourer les petites joies du quotidien, de m’entourer de personnes bienveillantes et de poser des limites claires face aux relations toxiques. Ce chemin vers le bonheur est un apprentissage, une démarche consciente.
Et si un miracle arrive, c’est parce que je suis prête à le recevoir, avec un cœur ouvert et une âme apaisée.