Est-il vraiment possible de changer ma manière de vivre si je continue à penser toujours de la même façon qu’avant ? Comment puis-je espérer obtenir des résultats différents si mes pensées, elles, demeurent inchangées ? C’est une situation que je rencontre régulièrement dans ma vie quotidienne : je désire profondément évoluer, produire des résultats différents, mais je reste enfermée, prisonnière, dans les mêmes schémas mentaux. Et cela me frustre. Je sens que je veux avancer, évoluer, mais quelque chose me retient. Mais quoi exactement ?
Je prends conscience que la seule manière d’agir autrement, pour obtenir autre chose, c’est de me poser, de m’asseoir dans ce que Thomas D’Ansembourg appelle « la chaise du discernement ». Cela signifie observer avec lucidité et recul le système de pensée qui m’a guidée jusqu’à présent. Il devient évident qu’il ne suffit pas simplement de faire différemment ; il faut avant tout penser différemment. Mon esprit, tel qu’il est, a produit les comportements et les résultats que je connais aujourd’hui. Alors, si je veux quelque chose de nouveau, je dois réévaluer ces pensées, ces croyances profondes qui m’ont conduite ici. Si, jusqu’à maintenant, je semais du blé, il était normal de récolter du blé. Si je veux, à présent, récolter du maïs, mais que je continue à semer du blé, je n’aurai jamais de maïs ! Je dois apprendre à semer du maïs pour en récolter.
Je réalise à quel point mes schémas mentaux se sont enracinés avec le temps. Il est étonnant de constater comment ces pensées habituelles façonnent mes actions et, à leur tour, produisent des résultats similaires encore et encore. C’est presque automatique. Quand je pense d’une certaine manière, j’agis de cette façon, et cela mène à un résultat prévisible. Ce cycle se répète, formant une sorte de confort dans l’inconfort. Paradoxal, n’est-ce pas ?
Si je pense que je ne suis pas assez compétente pour atteindre un objectif. Cette pensée s’enracine en moi, me pousse à procrastiner, à ne pas donner le meilleur de moi-même, et, comme prévu, je n’atteins pas cet objectif. Le résultat est donc conforme à la croyance initiale. Cela devient un cycle où la pensée crée une action limitée, qui à son tour confirme la pensée initiale. Une boucle infernale.
Ce phénomène est d’autant plus puissant lorsque les schémas mentaux sont liés à des expériences passées douloureuses. Par exemple, j’ai longtemps porté l’identité de « celle qui souffre ». Comme si cette souffrance me définissait profondément : « Je suis celle qui a beaucoup souffert ». Avec le temps, cette identité m’a procuré un certain confort. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la douleur devient une compagne familière. Sortir de ce rôle semble difficile, voire effrayant. C’est comme si je m’y étais attachée inconsciemment, par habitude. C’est un phénomène courant chez beaucoup de personnes qui, malgré un désir de bonheur, restent attachées à des expériences de souffrance passées.
Alors pourquoi est-il si difficile de changer ? Pourquoi, malgré ma prise de conscience, est-ce que je continue à agir selon ces anciens schémas ? Pourquoi est-ce que je reste dans les mêmes habitudes ? Pourquoi je continue à semer du blé ? Je crois que c’est parce que ce qui est connu, même inconfortable, est rassurant. Ce schéma, aussi inadéquat soit-il aujourd’hui, a fonctionné à un moment donné. Il a survécu au fil du temps et s’est installé profondément en moi. Mes anciens schémas de pensée, bien qu’inadaptés, m’ont protégée à un moment de ma vie.
Je me suis souvent retrouvée dans des relations qui ne sont pas bonnes pour moi. Malgré la douleur que ces relations me causent, j’y revient encore et encore, car ce modèle m’est familier. Ce que je connais, même si c’est dysfonctionnel, est rassurant parce que cela a toujours été ainsi. Sortir de ce cycle demande un effort conscient et un vrai travail sur moi.
L'inconnu, quant à lui, me fait peur. Il représente un territoire inexploré, où je n’ai aucun repère. Et même si je sais, intellectuellement, que ce changement pourrait m’apporter quelque chose de mieux, émotionnellement, je me sens paralysée. C’est bien humain, je suppose. L’idée de quitter cet inconfort connu est un grand classique de la psychologie. J’ai beau me dire que je serai plus heureuse si je pouvais lâcher cette tristesse qui me suit depuis des années, une part de moi y reste accrochée. Comme si elle me donnait un sens, une direction. Après tout, c’est ce que je connais, et cela me rassure.
Pourtant, je sais que la clé est d’observer mes pensées. Si je continue à laisser mes pensées automatiques diriger ma vie, rien ne changera. Il me faut instaurer une sorte d’« hygiène de conscience », un processus régulier où je prends le temps de m’asseoir, de me poser les bonnes questions et d’observer mes schémas mentaux. Je dois me demander : « Tiens, quand je pense comme ça, j’agis comme ça et j’obtiens ça. Cela me convient-il vraiment ? Cela convient-il à ma vie, à ma relation avec les autres, à la communauté humaine, et à la planète ? »
Ces questions sont essentielles. Elles me permettent d’ouvrir une fenêtre sur moi-même, d’entrer en dialogue avec mes pensées et de prendre conscience des conséquences qu’elles ont dans ma vie. En examinant mes pensées, je peux voir si elles sont encore en adéquation avec mes valeurs actuelles, mes désirs et les réalités du monde qui m’entoure.
Imaginons que je remarque qu’à chaque fois que je suis confrontée à une critique, je réagis de manière défensive. Cette réaction est le fruit d’une pensée sous-jacente : « Je dois me défendre, car je suis constamment attaquée ». En observant cette pensée, je peux prendre conscience qu’elle est peut-être le résultat d’une ancienne blessure, d’une peur ou d’un manque de confiance en moi. En l’observant avec discernement, je peux choisir de la remettre en question et de me dire : « Peut-être que cette critique n’est pas une attaque, peut-être est-elle une opportunité de grandir ». Cette simple observation et remise en question peuvent transformer ma manière d’agir.
C’est là que le discernement devient essentiel. Il ne s’agit pas seulement de vouloir changer pour changer, mais de comprendre pourquoi et comment je dois le faire. Le discernement implique de prendre le temps de réfléchir, de méditer sur la pertinence de mes pensées, de les analyser avec soin et de voir si elles me conduisent encore là où je souhaite aller, si elles me sont encore utiles ou non. Ce travail n’est pas facile. Il demande du courage, car il implique de reconnaître que certains schémas mentaux, auxquels je suis peut-être attachée, ne me servent plus.
Le discernement me permet aussi de voir au-delà de moi-même. Mes pensées, mes actions et leurs conséquences ne se limitent pas à ma propre personne. Elles impactent mes relations avec les autres, ma communauté, et même l’environnement. Si je nourris des pensées individualistes ou égoïstes, cela peut se traduire par des comportements qui affectent négativement mon entourage. Alors, si je veux que mon existence ait un sens, je dois m’assurer que mes pensées sont en harmonie avec un bien-être collectif.
Pour agir autrement, il faut avant tout penser autrement. Et cela demande un effort conscient. Ce n’est pas naturel pour moi de remettre en question des schémas mentaux que j’ai entretenus pendant des années. Mais je réalise que ce pivotement intérieur est indispensable si je veux évoluer.
Ce pivotement commence par une sorte de détachement. Il ne s’agit pas de nier mon passé ou d’effacer mes expériences, mais de me dire : « D’accord, ce schéma m’a aidée jusque-là, mais aujourd’hui, il est temps de le lâcher ». Cela demande une grande confiance en moi, car je m’aventure sur un terrain inconnu. Mais c’est en apprenant à penser différemment que je pourrai agir différemment et, à terme, obtenir des résultats plus alignés avec mes aspirations actuelles. Si, en temps qu’enfant, je m’étais accrochée désespérément à la marche à quatre pattes, je ne serais pas allée très loin ! Il m’a fallu, comme pour tous les bébés, oser affronter la marche debout. Lorsque je m’accroche à mes expériences passées, est-ce que, quelque part, je ne ressemble pas à un bébé qui n’ose pas lâcher la marche à quatre pattes pour la marche debout ?
Un bon exemple de pivotement intérieur serait le suivant : imaginons que je me considère toujours comme une personne qui manque de chance dans la vie. Ce schéma de pensée a dirigé mes actions pendant des années. En pivotant intérieurement, je prends conscience que cette croyance ne me sert plus et qu’elle limite mes opportunités. Je décide alors d’adopter un nouveau cadre de pensée : « J’ai le pouvoir de créer ma propre chance par mes actions et mes choix ». Ce simple changement de perspective peut radicalement transformer la manière dont j’aborde ma vie.
Ce changement intérieur exige également une élévation de ma conscience. Je dois être prête à dépasser mes vieilles croyances, à remettre en question ce que je pensais être immuable. C’est un effort constant, mais nécessaire. Je dois être vigilante et garder en tête que ces vieux schémas peuvent refaire surface à tout moment. Ils sont enracinés, après tout.
Cependant, cette élévation de conscience m’ouvre aussi de nouvelles perspectives. Je découvre que je peux, effectivement, apprendre à penser autrement. Ce processus d’apprentissage est continu, et il me permet de découvrir une nouvelle façon de voir le monde, de voir les autres, et de me voir moi-même.
Si j’ai toujours vécu dans un environnement où le succès est associé à la compétition et à l’égoïsme, en élevant ma conscience, je pourrais découvrir qu’il est possible de réussir tout en étant bienveillant et en aidant les autres. Cela demande un véritable travail intérieur, mais le résultat est une vie plus alignée, plus authentique, et plus harmonieuse.
Changer ma manière de penser ne me concerne pas uniquement. C’est un acte de responsabilité collective. Je réalise que mes pensées et mes actions influencent mon entourage, ma communauté et même la planète. Penser autrement, c’est agir autrement, et cela peut avoir un impact positif à une échelle bien plus large que ma propre vie.
Lorsque je réussis à pivoter intérieurement, je m’ouvre à de nouvelles possibilités. Je me sens plus alignée avec mes valeurs profondes, et je ressens un bien-être plus authentique. Cette transformation intérieure rayonne également sur mes relations avec les autres. En me libérant de mes anciens schémas mentaux, je deviens plus ouverte, plus compréhensive, et cela améliore la qualité de mes interactions humaines.
Si je décide de réfléchir à ma manière de consommer, en me posant les questions appropriées sur l’impact écologique de mes choix, je réalise que mes petites actions individuelles, comme réduire ma consommation de plastique ou favoriser des produits locaux, peuvent avoir un effet cumulatif important pour l’environnement. De la même manière, en changeant mes pensées sur mes relations, en étant plus ouverte et bienveillante, je contribue à créer un climat plus apaisé autour de moi.
Évidemment, ce changement fait peur. Le bonheur, lorsqu’il est inconnu, peut être intimidant. Je me rends compte que je suis tellement habituée à ma tristesse, à mes souffrances passées, qu’elles me paraissent presque plus rassurantes que l’idée d’un bonheur inconnu. Pourtant, je sais, au fond de moi, que ce bonheur est possible. Il est là, à portée de main, si je suis prête à faire l’effort de lâcher mes anciennes croyances, si j’ose marcher debout !
Je comprends maintenant que m’attacher à mes souffrances passées ne me sert plus. Il est temps de les laisser partir pour faire de la place à quelque chose de nouveau, de plus lumineux. Oui, cela demande du courage, mais je suis prête à faire ce pas. Je veux vivre autrement, penser autrement, et offrir à moi-même, aux autres, et à la planète une version plus épanouie de qui je suis vraiment.